Guide Bible de Série

Comment présenter efficacement un projet de série pour le faire lire au Comité de lecture de l’Accroche Scénaristes, à un producteur ou autres ? Pour le savoir, suivez le guide…

Qu’on soit bien d’accord : il n’existe aucune règle « officielle » de présentation d’une Bible de Série. Dans la vraie vie, « tous les coups sont permis » pourrait-on dire et, si vous voulez vous payer le luxe d’envoyer une Bible de 500 pages à un producteur (ou inversement une simple logline sans plus d’explication) libre à vous ! In fine, seuls comptent votre pouvoir de persuasion et les ressources sans limites de votre imagination… Dans Save the Cat, Blake Snyder raconte par exemple qu’à Hollywood, à une certaine époque, un scénariste pouvait aller jusqu’à joindre une mallette pleine de faux billets avec son scénario de film de casse : l’art du packaging, en quelque sorte…

Ceci étant dit, les scénarios que nous recevons généralement en relecture sont loin d’être à ce point aboutis qu’ils n’aient plus qu’à se soucier de mise en forme. Voilà pourquoi nous avons décidé d’éditer ce guide pour aider les auteurs émergents à mieux comprendre ce qu’on attend d’une Bible de Série et aussi faciliter la vie de notre Comité de lecture !

Le format exigé pour une bible de série envoyée au comité de lecture est, en effet, de 15 pages maximum (soit environ 5-6 pages de bible et 9-10 pages de scénario). Cette exigence se justifie par le fait qu’au stade de la relecture, on en est encore à essayer de vendre son projet (Bible commerciale) et non à fournir des informations sur l’univers à d’éventuels collaborateurs (Bible littéraire) : plus vous ferez clair et court, plus vous aurez de chances d’être lus et donc d’intéresser votre lecteur.

La différence entre une Bible commerciale et une Bible littéraire, en effet, est que la Bible commerciale (généralement appelée « Pré-Bible ») doit aller droit au but : un producteur ou toute personne qui découvre le projet pour la première fois n’a pas besoin de connaître toute l’histoire dans ses moindres détails mais de pouvoir se faire le plus rapidement possible une idée globale du projet et de son potentiel.

La Bible littéraire, en revanche, c’est autre chose : c’est un cahier des charges utile à tout auteur recruté sur le projet pour écrire un épisode de la série. A ce stade, un auteur n’a généralement plus besoin des services d’un Comité de lecture : il a ses propres collaborateurs pour lui faire des retours.


Mais bref, trêve d’introduction, voici les éléments que, d’une manière ou d’une autre, on doit nécessairement pouvoir trouver dans votre Pré-Bible de Série :

  1. La Page de Garde (ne compte pas dans les 15)

Elle doit comporter obligatoirement :

  • Le Titre de la série (Exemple : Conan le Barbare)
  • Le Genre de la série (Exemple : « Série d’Heroic-Fantasy »)
  • Le Format de la série (Exemple : « Série de 6 X 52′ », c’est-à-dire 6 épisodes de 52 minutes)
  • Le Nom et les coordonnées de l’auteur (sauf pour un envoi anonyme au Comité de lecture, évidemment !)

Et éventuellement :

  • Une image d’illustration (c’est mieux !)
  1. Le Concept (1 page)

Le Concept, c’est comme une pièce de monnaie : il y a un côté face (le Sujet) et un côté pile (le Thème)…

Si vous voulez la jouer efficace, vous pouvez très bien résumer cette page de Concept en deux phrases :

  • Le résumé de l’histoire en une phrase, c’est à dire le pitch. Exemple : « Poussée par la misère, une famille très pieuse part s’installer dans le Midwest et tente de rester unie face aux épreuves de la vie » (La Petite Maison dans la Prairie).
  • La question thématique de la série pour servir d’accroche. Exemple : « Peut-on être un bon père de famille dans un monde dominé par l’injustice, la violence et la cupidité ? »

Mais si vous voulez être sûr qu’on comprenne bien votre projet, vous pouvez développer un peu plus, avec…

a. Le Sujet (le pitch en une demie-page)

Le Sujet, c’est le pitch, la situation de départ, l’intrigue principale, le problème, le conflit auquel le protagoniste est confronté. On parle aussi parfois de prémisse (ou prémisses). Quand il est résumé en une phrase, on l’appelle aussi parfois « logline », et quand il est résumé en une phrase sous forme interrogative, on l’appelle « question dramatique ». Exemple : « Walter White réussira-t-il à vendre assez de drogue sans se faire prendre pour se payer un traitement et mettre sa famille à l’abri du besoin ? » (Breaking Bad).

b. Le Thème (la question philosophique qui sous-tend l’intrigue)

Pour trouver le Thème sous-jacent au Sujet, il faut essayer de formuler la question existentielle qui se cache derrière. Par exemple, le Sujet de Breaking Bad sous-tend une question philosophique du style : « Quelle est la limite entre le Bien et le Mal ? » Puis développer sa pensée.

  1. L’Arc Narratif ou le Résumé épisode par épisode (1 à 2 pages)

Ce qu’on appelle « l’Arc narratif » c’est, en gros, le résumé de la première saison, autrement dit, le Synopsis.

  • L’Arc narratif, c’est le Synopsis de la 1ère saison
  • Peut se décliner épisode par épisode (5 à 10 lignes par épisode)
  • Pour les séries bouclées, on parlera plutôt de la structure d’un épisode-type (éléments de récurrence, type d’intrigues habituellement traitées, etc.)
  • On parle parfois d’« Arches narratives » (au pluriel) pour les séries qui traitent plusieurs intrigues en parallèle.

Par exemple, dans le Bureau des Légendes, nous avons trois intrigues parallèles, donc trois protagonistes principaux :

  • Debailly (Kassovitz) est le principal protagoniste d’une intrigue amoureuse qui l’oblige à mentir à ses collègues des services secrets au risque de passer pour un traître,
  • Duflot (Daroussin) est le principal protagoniste d’une intrigue d’espionnage dans laquelle un agent disparu met en péril toute l’organisation des services secrets français,
  • Loiseau (Giraudeau) est la protagoniste d’un thriller : elle doit réussir à infiltrer une équipe d’ingénieurs iraniens pour enquêter sur les ressources nucléaires du pays au péril de sa vie.
  1. Les Personnages (1 à 2 pages)

Le personnage est souvent la clé émotionnelle d’un récit, c’est généralement lui qui détermine l’adhésion ou non du spectateur à l’histoire. Il doit être vrai et psychologiquement juste mais à ce stade on a surtout besoin de connaître :

  • Son caractère et son histoire (sa back story)
  • Sa relation aux autres personnages
  • Son conflit, son objectif, ses motivations (bref sa psychologie)
  • Sa réponse à la question thématique
  1. La Note d’Intention (1 page)

Bien sûr cette partie est libre et doit faire appel à la sensibilité, à la sincérité de l’auteur vis-à-vis de son projet. En cas de difficulté ou pour éviter de faire redite avec la partie consacrée au Thème, notamment, on pourra s’efforcer de faire simplement la synthèse de tout ce qui précède en une page pour repréciser de quelle façon cette histoire va être racontée et comment s’articuleront :

  • l’Arène,
  • le Protagoniste,
  • le Conflit,
  • l’Enjeu,
  • les Personnages,
  • le Thème,
  • le Genre (et les références éventuelles).
  1. Le Pilote

Enfin, on joindra à cette Bible :

  • Un Synopsis du Pilote aussi complet que possible pour donner une idée du ton de la série,
  • La Continuité dialoguée du Pilote (ou un extrait de 10 pages max) pour donner une idée de la qualité d’écriture et des dialogues, notamment.

Un résumé précis du Pilote et un extrait du scénario sont en effet presque aussi importants que la Bible proprement dite car c’est ce qui va permettre d’embarquer véritablement le lecteur dans l’histoire et lui donner envie de découvrir la suite…

Bon courage pour la rédaction et… au plaisir de vous lire !

Benoît Connin
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